POLYAMOUR TÉMOIGNAGE | Devenir un couple libre

Témoignage (PARTIE 2/2) : premières expériences, gestion des émotions, des relations, nos difficultés, nos réussites et le bilan après 5 ans de relation libre !

---

Si vous n’avez pas vu la première partie de mon témoignage, je vous invite à la regarder, pour mieux comprendre le contexte. Dans la suite de cette histoire, vous verrez que nous avons fait beaucoup d’erreurs.

Je ne sais pas s’il faut chercher à les éviter car elles sont le meilleur moyen d’apprendre. En tout cas, les connaître vous permettra de les identifier et d’en sortir plus facilement. Certaines souffrances et remises en question sont probablement inévitables. Accueillez-les comme un élément nécessaire au processus de changement, comme l’effort durant le sport.

LE PLONGEONS

Avant de se baigner, ma copine a besoin que toutes les conditions idéales soient réunies : qu’il fasse beau, chaud mais pas trop, qu’il n’y ait pas de vent et que la température de l’eau soit bonne. Elle va d’abord tremper ses pieds, se mouiller la nuque et effectuer une sorte de danse en rentrant dans l’eau. Moi je suis le mec qui fait une bombe en éclaboussant tout le monde !

C’est une carricature mais je pense que ça résume à peu près la manière dont nous avons respectivement appréhender le polyamour. 

Nous étions donc d’accord sur l’intérêt d’ouvrir notre couple mais nous n’avions pas pris le temps de communiquer correctement sur notre vision de cette nouvelle relation. Notre plus grand désaccord était qu’elle voyait le polyamour comme un moyen de gérer des sentiments inattendus, tandis que pour moi c’était une opportunité d’explorer de nouvelles personnes. Elle avait dû mettre fin à sa première relation et ne souhaitait pas faire de rencontre contrairement à moi. Quand je me suis mis dans cette démarche, j’étais bien intentionné et persuadé qu’elle comprendrait puisqu’elle avait vécu une expérience similaire. Je suis donc parti à l’aventure sans anticiper que ça pourrait la surprendre ou la blesser.

Attention, il arrive parfois qu’il y ait un rapport de force qui s’installe entre la personne instigatrice du polyamour et celle qui doit faire un choix. Si vous acceptez cette expérience, vous devez en partager la responsabilité. Il n’est pas question de vous victimiser par la suite et d’accuser l’autre de vos souffrances.

LES PREMIÈRES EXPÉRIENCES

Ma première expérience nous a confronté tout de suite à nos peurs et a été très pénible. Quand j’ai commencé à rencontrer, je faisais l’erreur de ne pas parler tout de suite de ma situation, je n’étais pas encore à l’aise pour en parler dès les premiers échanges. J’attendais le “bon moment” mais toujours avant la rencontre bien sûr. Un jour, j’avais un très bon feeling avec une femme et je lui ai expliqué que j’étais en relation libre. Elle était complétement réfractaire au polyamour mais nous nous entendions tellement bien que nous avons voulu nous rencontrer quand même et au bout de quelques RDV nous nous sommes rapprochés.

Et là, c’est devenu compliqué pour tout le monde. Toutes les peurs de ma copine ont fait surface.

Ma rencontre acceptait à peine ma situation et préférait ne pas y penser. Moi j’étais responsable d’une équation impossible à résoudre. Pendant les RDV, je n’arrivais pas à lui offrir une qualité de présence respectueuse, tout en rassurant ma femme à distance. Je faisais toujours souffrir l’une ou l’autre et moi par conséquent. C’était clairement la pire période pour notre couple car en plus de vivre cette situation inédite, nous commencions à communiquer réellement et beaucoup de blessures sont ressorties.

Cette relation a duré environ 3 mois durant laquelle nous avons tous évolué mais sans vraiment parvenir à trouver d’équilibre. Nous y avons mis fin car nous n’avions pas les mêmes attentes et ce n’était pas gérable.

Depuis cette histoire, j’explique clairement que je vis en relation libre et je ne rencontre que des personnes ouvertes à cette expérience. J’ai d’ailleurs ensuite fait la connaissance d’une polyamoureuse très bienveillante qui aimait expérimenter comme moi. Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet et elle m’a proposé de découvrir ensemble le libertinage. Elle a également rencontré ma copine. Elles se sont très bien entendues et elles étaient fières de cette réussite. C’est encore une amie aujourd’hui malgré la distance.

LE DÉCRASSAGE

Ensuite, nous avons eu une phase que j’appellerais de décrassage durant laquelle nous parlions ouvertement et accusions l’autre pour toutes nos souffrances. Je ne pense pas que notre couple allait vraiment mal mais tout se mélangeait, entre les émotions, les egos, les traumatismes, les peurs, les interprétations… Chaque détail pouvait prendre des proportions énormes et devenir une montagne alors que ce n’était que le symptôme d’un problème plus profond. Nous étions perdus et nous ne savions pas gérer les disputes. 

Si nous avions dû nous séparer un jour, je pense que ça aurait été à cette période car nous n’avions aucun engagement. Mais notre amour était solide et je savais que nous pourrions survivre à cette tempête. Nous en avons alors profité pour éclairer toutes les zones d’ombres de notre relation et tout nettoyer en profondeur. Nous devions chacun assumer la responsabilité de nos émotions et de nos maladresses. C’était le début d’une longue introspection pour tous les deux car les problèmes de notre couple n’étaient que le reflet de blessures non résolues en nous.

A cette époque nous avons découvert les “café poly”, il y en a dans la plupart des grandes villes de France. Ma copine appréhendait car elle vivait le polyamour comme une souffrance. Elle n’avait pas envie d’entendre un groupe de polyamoureux lui raconter que c’était génial ! Finalement, elle a surtout rencontré des personnes qui vivaient exactement la même chose qu’elle, ce qui lui a fait beaucoup de bien. C’est pourquoi j’ai créé un espace communautaire sur le site relationlibre.com afin que nous puissions nous retrouver et partager nos expériences.

Le facteur que nous avons toujours négligé (moi particulièrement) c’est le temps. S’analyser, se comprendre et reprogrammer son “logiciel interne” sont des processus longs. Vous ne voyez pas vos cheveux pousser et pourtant ils le font continuellement. Comme vous vous voyez tous les jours dans le miroir, vous ne pouvez pas constater cette évolution sans regarder une ancienne photo. C’est le même principe pour la transformation mentale et vous aurez probablement souvent la sensation de stagner. Mais j’avais cette obsession et cette impression qu’en passant un certain temps à bien réfléchir et poser mes mots correctement, j’allais trouver la formulation parfaite qui allait créer le déclic faisant disparaître toutes les peurs de ma copine. C’était une illusion et je me sentais impuissant. La compréhension ne peut venir que de nous-même et les mots sont bien moins efficaces que les attentions et le contact physique.

Je fais d’ailleurs une parenthèse sur ce sujet. Cela peut vous surprendre mais vous devez apprendre à vous disputer. C’est-à-dire d’abord faire attention aux mots et au ton que vous allez employer pour ne pas blesser l’autre. Mais si l’un de vous devient agressif ou irrationnel, vous devez tout de suite stopper la conversation ! Quand cela arrive, vous avez deux solutions.

La première est de partir faire des activités différentes chacun de votre côté jusqu’à ce que vous retrouviez un état calme. La seconde est contre intuitive dans ces moments-là car vous êtes sous l’emprise de votre ego, mais vous devez vous prendre les bras. Comme je vous l’ai dit, le contact physique, les câlins, s’embrasser ou faire l’amour sont les formes de communications les plus efficaces et qui ne peuvent pas être substituées par des mots. Savoir gérer les disputes est très important et nous a permis d’améliorer nettement notre communication. Elle continue à s’améliorer encore aujourd’hui et nous sommes de plus en plus transparent l’un pour l’autre.

Les premiers mois étaient les plus durs, car des différences fondamentales nous divisaient, il fallait donc se mettre d’accord sur des règles.

LES RÈGLES

À la suite de nos premières expériences, nous les avons rédigées et plusieurs années après elles existent encore mais se sont assouplies. Les accords étaient les suivants :

• Possibilité de sortir 1 soir par semaine (sauf 1 semaine par mois)
• Possibilité de voir ses relations durant la journée en semaine
• Priorité au couple le weekend
• Discrétion
• Toutes les règles sont flexibles avec l’accord mutuel

Nous prenions le soin de détailler très précisément chaque point pour ne pas laisser de place à l’interprétation. Étant tous les deux d’accord sur celles-ci, cela nous permettait de définir un cadre et de retrouver quelques repères. Une nouvelle zone de confort.

A cette époque, j’étais le seul à rencontrer, ça n’intéressait pas ma compagne. Pour éviter qu’elle ne fantasme sur mes relations, elle me demandait un minimum d’informations sur ces personnes et au moins une photo.

L’OVERDOSE

Pendant environ 1 an, nous discutions très régulièrement de ces sujets jusqu’à en faire une overdose. Entre notre introspection, la communication de couple, les règles du polyamour et les sorties, tout ça prenait beaucoup trop de place dans nos conversations. Je ne faisais que quelques rencontres par an, ce qui avait peu d’impact sur notre vie mais nous dépensions une énergie disproportionnée à en parler. Vouloir se faire comprendre en imposant son point de vue peut vous entraîner dans une dispute sans fin, une bataille entre deux egos.

Pour sortir de ce piège, vous devez mutuellement vous accepter tel que vous êtes et surtout ne pas chercher à comprendre pourquoi. Vos façons de penser sont différentes et aucunes n’est mieux que l’autre. Chercher à comprendre pourquoi va simplement générer des disputes inutiles. Vous devez aimer inconditionnellement.

Nous avons donc dû instaurer une nouvelle règle en limitant ces sujets à environ 15 min par jour. Vous devez trouver un équilibre où vous pouvez en parler de temps en temps sans trop empiéter sur le reste de votre vie.

LA PARENTALITÉ

Nous avons naturellement mis de côté ce sujet quand nous sommes devenus parents. Toute notre attention et notre énergie était concentrée sur notre fils surtout durant les premiers mois.

Une fois familiarisé avec cette nouvelle vie, avec le temps nous avons repris cette discussion. Généralement, j’étais soit occupé par ma vie professionnelle et familiale, soit à fond dans une nouvelle lubie… Mais je restais présent sur certains sites de rencontre sans être en recherche active, j’étais simplement ouvert aux opportunités.

LE PARDON

Environ 1 an et demi après, la phase suivante nous a menés au pardon. Le temps nous avait permis de retrouver une sérénité et de digérer les événements de ces dernières années. En plus de mon premier amour, en quelques mois je suis tombé amoureux deux fois.

Ça n’était pas arrivé depuis ma première expérience et c’était inattendu. La première relation était intense mais brève à cause de la distance et la seconde existe toujours plus d’un an après notre rencontre, ce dont je suis très fier. Elle m’a fait vivre des situations complexes qui m’ont poussé à développer un état d’esprit qui puisse s’adapter à toutes les circonstances.

Ces rencontres étaient vécues beaucoup plus paisiblement par ma copine, elle avait même rencontré cette dernière relation sérieuse avec qui elle s’est lié d’amitié. Mais elle avait quand même eu du mal à accepter mon comportement vis-à-vis de ces femmes car j’étais devenu plus expressif, plus attentionné et plus empathique que l’homme qu’elle avait rencontré il y a 11 ans.

Étant donné que ma partenaire avait beaucoup de peur à gérer, nous étions surtout concentrés sur ses problèmes, sans s’apercevoir que j’en avais une part de responsabilité. J’ai dû ravaler ma fierté, reconnaître mes mauvais comportements et m’excuser sincèrement.

Cette étape a été l’une des plus importantes pour nous et libératrice pour elle. Nous pouvions nous pardonner mutuellement pour toutes nos maladresses et accepter que nous n’étions plus les mêmes personnes qu’à l’époque de l’université. J’avais évolué et c’était en grande partie grâce à elle. Nous devions arrêter de se concentrer sur le passé et se reconnecter au présent.

LES EXPÉRIMENTATIONS

Durant les premiers mois avec ma relation secondaire sérieuse, je vivais une situation qui me faisait vraiment souffrir. J’avais appris de plusieurs lectures que nous étions seuls responsables de nos émotions négatives mais je n’avais jamais eu l’opportunité d’appliquer ce précepte. Car le premier réflexe humain lié à l’ego, est de toujours remettre la faute sur les autres. J’ai donc tenté l’expérience d’arrêter de la blâmer pour mes malheurs et de partir de l’hypothèse que j’en étais le seul responsable. Je décortiquais et analysais en détails tout ce qui c’était passé.

J’ai théorisé tout ça, jusqu’à en faire des graphiques et j’ai compris que tout était lié à mes attentes et que c’était bien ma faute. Au moment précis où j’en ai pris conscience, toute ma peine, ma frustration, ma colère et ma honte ont disparu instantanément ! Je venais de mettre le doigt sur quelque chose et de comprendre que c’est dans la souffrance que nous apprenions le plus. C’est un indicateur qui nous permet d’avoir conscience des problèmes que nous devons régler en nous. 

Je me suis alors amusé pendant des mois à explorer, sortir de ma zone de confort et expérimenter des situations inédites ou originales. Je m’étais donné le défi d’essayer quelque chose de nouveau chaque semaine dès le premier RDV comme rencontrer dans le noir, être totalement transparent, découvrir de nouvelle pratique sexuelle ou bien méditer sur un banc avec une inconnue. Toutes ces expériences m’ont permis d’affiner un état d’esprit qui me permettait de vivre ses relations en étant moi-même et sans peur de souffrir.

L’HARMONIE

Et puis récemment, nous avons réellement trouvé une harmonie. Ma copine a pris confiance en elle, personnellement et professionnellement. Elle s’inspire d’autres femmes qu’elle admire, prend du temps pour elle et développe ses centres d’intérêts.

Cet élan d’amour envers elle lui a donné envie de le partager avec moi et avec d’autres hommes. Elle commence à faire des rencontres, nous permettant de résoudre cette grande différence qui nous divisait auparavant. Elle expérimente à son tour et nous enrichissons notre réflexion de toutes ces découvertes sur les relations et sur nous-même. Pour ma part, je ne ressens aucune jalousie car je suis totalement confiant dans notre relation, je ne fais pas de distinction entre ces hommes et ses amis. Mais nous sommes conscients que rien n’est acquis et nous communiquons beaucoup pour rester en harmonie.

LE CHANGEMENT

Que ce soit pour le polyamour ou n’importe quoi d’autre, si vous décidez de changer vraiment vous allez devoir faire face à deux principaux ennemis qui vont vouloir vous décourager. Le premier c’est votre ego.

Peu importe les difficultés que vous traversez dans la vie, vous serez toujours tenté de trouver un fautif. Car l’ego se pense parfait, donc s’il souffre c’est que c’est la faute de quelqu’un d’autre. Il n’a jamais tort et ne se remet jamais en question. Durant ces dernières années, il nous est arrivé d’accuser le polyamour d’être la cause de nos souffrances et que nous étions plus heureux avant. Mais la vérité c’est que cette transformation n’a rien à voir avec le polyamour, c’était seulement nécessaire pour nous adapter à une nouvelle situation. D’ailleurs beaucoup de personnes vivent également ce genre de bouleversement à la suite d’un événement important, une rupture, une maladie, un deuil, la perte d’un emploi ou un accident.

Le point de départ est toujours le même, la sensation d’une perte d’identité et de repères due à un changement brusque.

Le second ennemi, c’est encore l’ego mais celui des autres. Il n’est pas toujours facile pour nos proches d’être véritablement bienveillant car leurs réactions vont être influencées par leurs vécus et leurs perceptions. Une personne complètement réfractaire à votre choix pourrait essayer de vous en dissuader et profiter d’un moment de doute ou de souffrance pour venir vous rappeler qu’elle vous avait prévenu que c’est une erreur. C’est aussi absurde que d’aller voir un marathonien au milieu de sa course et lui dire qu’il ne souffrirait pas s’il était resté sur son canapé.

Bien souvent ce sont des réactions de jalousie conscientes ou inconscientes. Ces personnes préfèrent vous voir échouer plutôt que de se confronter à la possibilité que des changements qu’elles n’osent peut-être pas faire soit réalisable. Dans un premier temps, je vous conseille donc d’en parler uniquement à des personnes de confiance, ouvertes d’esprit et qui vous apporteront une énergie positive.

LE BILAN

Quand je fais le bilan 5 ans après le début de cette expérience, je me rends compte à quel point elle a bouleversé nos croyances et amélioré notre compréhension des peurs, de l’amour et de nous-même. De mon côté, j’ai amélioré ma capacité à aimer, à être empathique, généreux et bienveillant. Et de son côté, elle comprend et gère beaucoup mieux ses peurs, qui disparaissent petit à petit. Elle est plus confiante et sereine. Aujourd’hui nous vivons de manière non-exclusif mais notre quotidien a peu évolué.

Nous gardons un bon équilibre entre nous et nos autres relations. Nous partageons notre amour avec des personnes bienveillantes qui enrichissent notre vie sentimentale et sexuelle. Je tire deux leçons importantes de cette expérience.

La première est que notre perception de l’amour, des relations ou plus généralement du monde, est conditionnée par notre culture, notre éducation et notre environnement. Notre expérience est donc très fortement influencée par celle des personnes qui nous entourent. Pour s’en libérer, nous devons abandonner toutes nos croyances, partir du principe que nous ne savons rien et tout (re)découvrir avec un regard neuf et neutre, comme des enfants.

La seconde leçon est de comprendre que nos émotions négatives ne sont pas une fatalité. Malheureusement, nous avons tendance à tolérer la jalousie, l’anxiété, la solitude, la colère ou la frustration par exemple, car nous pensons en être prisonnier. Mais nous en sommes seuls responsables ! C’est dur à accepter pour l’ego mais l’admettre est la première étape qui vous permettra de vous en débarrasser.

Peu importe le mode de vie que vous choisissez, que vous soyez exclusif ou non, je vous invite vraiment à prendre conscience de toutes les émotions négatives que vous ressentez et à les combattre. En vous faisant accompagner par une personne compétente et en vous inspirant des expériences des autres comme la mienne, je vous assure que vous les surmonterez !