POLYAMOUR TÉMOIGNAGE | La séparation : causes et conséquences

Après 15 ans de relation, d’abord monogame, puis polyamoureuse, on a décidé de se séparer. La séparation est un sujet tabou, que tous les couples veulent éviter à tout prix, mais c’est pourtant parfois la meilleure solution. Dans cet article, je vous explique les causes et les conséquences de cette décision.


Pourquoi témoigner ?

Ce dont je parle dans cet article est très intime et si je vous partage mon histoire, ce n’est pas pour le plaisir de dévoiler ma vie privée, mais parce que ça pourrait vous être utile d’une manière ou d’une autre. Je trouve que ça reste des sujets tabous, où les témoignages sont assez rares.

Je le fais également dans le but de poursuivre mes précédents témoignages, en restant toujours honnête et transparent, sans chercher à mettre en avant un mode relationnel ou vous vendre une belle histoire. J’ai continué à utiliser le titre témoignage polyamour, mais c’est tout simplement le témoignage d’une relation.

Les raisons de la séparation

Alors pourquoi on se sépare ? D’abord, c’est une décision qu’elle a prise elle, mais avec laquelle je suis d’accord et il n’y a aucun ressentiment d’un côté comme de l’autre. Les causes n’ont aucun rapport avec la monogamie ou le polyamour, puisqu’elles existent depuis le début notre relation et sont directement liées à celle-ci. Sans trop rentrer dans les détails, les deux raisons principales, sont d’abord une différence dans nos sentiments. Ils ont été plus fort de son côté et j’ai toujours eu du mal à lui offrir cette réciprocité ce qui a pu nous faire souffrir. Pour moi c’était à la fois culpabilisant et une pression, la sensation de ne pas être à la hauteur de ce qu’elle attendait de moi, je trouvais ça triste.

Le polyamour nous a permis à chacun de vivre des relations qui nous correspondaient plus et que nous n’avons pas forcément réussi à retrouver dans la nôtre. La seconde raison est en rapport avec notre fonctionnement. Comme elle l’explique elle-même, par analogie, elle a plus un fonctionnement de « chien » : social et fusionnel ; et moi de « chat » : qui aime être entouré, mais plus solitaire.

Ressentiments dans le couple

Je profite de mon expérience pour vous parler de ressentiment qui désigne « une forme de rancune mêlée d’hostilité envers ce qui est identifié comme la cause d’un tort subi ou d’une frustration ». Développer du ressentiment pour son ou sa partenaire, est quelque chose de très courant, que j’ai observé dans ma relation et celles des personnes que j’accompagne, mais nous n’en avons pas toujours conscience. Je vous invite à faire l’effort d’en prendre conscience et de vous exprimer autant que possible, pour éviter que ça ne dégrade votre relation au fil du temps.

Voici quelques exemples à l’origine du ressentiment : vous avez sacrifié beaucoup pour quelqu’un qui finalement vous déçoit, vous devez faire des compromis sur des choses qui sont importantes pour vous, vous devez étouffer une partie de vous au profit de la relation, vous avez dû abandonner des projets ou des rêves pour vivre cette relation, vous donnez plus que vous ne recevez, cette personne ne comble pas vos attentes, etc.

Toutes ces petites choses que l’on accepte au nom de l’amour dès le début de la relation, peuvent créer cette amertume et nous rattraper plus tard. A nous de faire l’effort de bien nous exprimer, communiquer et trouver des solutions pour ne pas nous oublier dans la relation.

Chute dans l’escalier

Je vous ai régulièrement parlé d’escalator relationnel, « l’attente sociale selon laquelle une relation romantique doit automatiquement suivre un ensemble d’étapes et mener au mariage, à la parentalité et à l’accession à la propriété ». Même si depuis quelques années nous avions ouvert notre couple et choisi une voie alternative, finalement on est toujours resté sur cet escalator, d’une manière assez modèle, puisqu’on a passé les étapes du pacs, de la parentalité, de la voiture, du chien et très récemment de l’acquisition d’une belle petite maison dans un joli quartier.

Donc on a essayé de faire les choses en conscience, par choix et non pas pour monter la prochaine marche, ce qui fait qu’aujourd’hui à la séparation, on a vécu un deuil (ce dont je parle dans la partie suivante), mais on attache moins de valeur à la chute dans cet escalier. C’est-à-dire qu’on n’a pas l’impression d’avoir perdu du temps et de repartir à la case départ, de s’être trompé, d’être dégradé, mais plutôt le sentiment d’être arrivée au bout de cette expérience qui a duré environ 15 ans, de ne plus avoir grand-chose à s’apporter et donc de préférer se séparer pour laisser place à d’autres aventures. Mais aux yeux des autres c’est différent, certaines personnes comprennent bien notre démarche et certaines vivent ça de manière plus dramatique, car oui on a tous des expériences différentes avec la séparation.

Quelqu’un m’a d’ailleurs dit « tu vas faire quoi maintenant » ? Et j’ai eu du mal à comprendre le sens de cette question, qui sonnait un peu comme « tu vas faire quoi de ta vie maintenant » ? Comme si j’avais détruit le résultat d’un accomplissement qui avait de la valeur à ses yeux et auquel j’étais identifié, comme si j’étais un footballeur professionnel qui venait de se casser la jambe. Mais ma vie ne se limite pas à cette relation et ce qui gravite autour, elle est riche de beaucoup d’autre chose, et ce « vide » laisse aussi de l’espace pour développer d’autres choses.

Le deuil

Avant qu’elle prenne cette décision et moi quand je l’ai compris, on est tous les deux passés par une phase de deuil, avec son lot de tristesse et de pleur. On a dû faire le deuil : de l’amour qu’elle attendait de moi et dont je n’ai pas su répondre, de la vie de famille qu’on avait imaginée, de la vie dans cette maison qu’on avait mis 3 ans à réaliser et où on avait des projets, du cadre qu’on avait souhaité pour notre enfant, etc. Pour autant on ne s’est pas fait de reproche. Elle a compris que mon manque d’affection n’était pas intentionnel et n’avait rien à voir avec quelque chose qui n’allait pas chez elle, que notre relation avait un certain potentiel avec ses limites et qu’il n’était pas trop tard pour en explorer d’autres plutôt que de s’enfermer dans une vie qui, même si elle correspondait à un idéal matériel, n’était pas épanouissante.

Et moi je ne lui en veux pas d’avoir pris cette décision, car même si je pensais qu’on pouvait vivre ensemble comme des amis, je savais également que ça nous limiterait. J’ai aussi eu le sentiment de changé de « catégorie » de « on est séparé », même si c’est une idée que j’ai commencé à déconstruire (et j’en parle dans l’article sur la fin de la relation), inconsciemment il y a encore cette idée dévalorisante d’échec qui persiste. Même si intellectuellement j’ai évolué, j’ai besoin de cette expérience pour l’intégrer réellement. Je suis également face au paradoxe de mon égo. D’un côté, au fond de moi, j’avais l’envie de me séparer, ce dont j’avais honte mais j’imaginé ça comme un soulagement pour tous les deux. De l’autre côté, mon égo vit ça comme un échec, en gros je n’ai pas réussi à combler ma partenaire et la rendre heureuse comme elle le méritait. Et je dois lutter contre cette facette de moi, qui pourrait générer de la colère ou l’envie de me positionner en tant que victime.

Notre enfant

Et notre enfant dans tout ça ? Car ça l’inquiétude principale de notre démarche, comment il va gérer cette séparation ? Car concrètement la séparation serait beaucoup plus simple et paraîtrait bien moins dramatique s’il n’y avait pas un enfant au milieu. Je ne peux pas m’avancer sur comment il va continuer à gérer cette situation au cours du temps, mais je peux témoigner sur la manière dont il vit cette séparation aujourd’hui.

Personnellement, et c’est mon opinion, je ne pense pas que le bien-être d’un enfant soit lié au fait qu’il est un papa et une maman, qui soient mariés et vivent sous le même toit. Je pense qu’un enfant a besoin d’avoir des adultes qu’ils considèrent comme ses parents (peu importe le sang, l’âge ou le genre), du moment que ces personnes répondent à ses besoins. Et un enfant a besoin d’amour, d’affection, qu’on lui donne de l’attention, qu’on joue avec lui, etc. D’ailleurs les besoins de notre enfant, ont toujours été une priorité pour nous. Donc même si aujourd’hui nous sommes séparés, ce qui va changer notre organisation, ses besoins sont toujours comblés. D’autant plus qu’il avait déjà l’habitude d’avoir des moments privilégiés avec maman ou papa, quand nous prenions du temps seul pour nous. L’habitude aussi qu’on l’emmène partout et qu’il rencontre du monde. Donc de son point de vue, à travers ce qu’il nous exprime et même ses dessins, il va avoir de nouveaux adultes pour s’occuper de lui (papa et maman de cœur comme il les appelle) et aura une maison supplémentaire.

Il voit également que l’on s’entend toujours bien, qu’on reste une équipe dans cette coparentalité, en accord sur l’éducation et que personne ne va chercher à se faire passer pour une victime. Elle a d’ailleurs rencontrer un autre homme que j’apprécie et que je n’hésite pas à inviter pour créer du lien avec lui et que notre enfant perçoive concrètement qu’il n’y a aucun conflit et que même si l’organisation de notre famille évolue, quelque part elle s’agrandie aussi.

Nouvelle vie

Dans cette nouvelle vie, même si on se sépare, on ne fait pas un trait sur 15 ans d’histoire commune. On aura toujours des liens d’amitiés, de coparentalité (et on a toujours faire une bonne équipe sur ce point) et des liens avec nos familles et amis respectives que l’on verra forcément plus occasionnellement. On garde notre fils de manière alterné la moitié de la semaine et on se réserve des moments tous ensemble de temps en temps. Au moment où j’écris cet article, elle s’épanouie dans sa nouvelle indépendance et sa nouvelle relation. Je ressens véritablement de la compersion, c’est-à-dire du plaisir à les voir heureux, qu’elle puisse enfin exprimer pleinement tout l’amour qu’elle a à partager, qu’elle reçoive autant en retour et que ça libère notre relation du poids de ses attentes.

Je ne dis pas que tout est parfait et que je suis content que ça se passe exactement comme ça puisque ce n’est pas ce que j’avais imaginé. Mais ça ne veut pas dire que c’est moins bien, c’est juste surprenant et différent, mais à partir du moment où j’accepte la réalité et que je comprends que tout se passe toujours pour le mieux, pour chacun, alors je m’adapte assez sereinement et sans regrets. Et des regrets je n’en ai pas, la simple existence de mon fils suffit à les rendre inconcevables. Je pense véritablement que c’est pour le mieux, pour tous. Car on a pu tous les deux s’émanciper d’une relation qui n’était plus épanouissante en ayant le courage de se séparer.

Bien-sûr on pourrait se demander qu’est-ce que le vrai courage, de se battre et rester dans une relation jusqu’à la mort ou de la quittait quand on estime que ça ne fonctionne plus ? Le courage c’est affronté ses peurs. Donc on en fait preuve quand on essaye de faire fonctionner sa relation en communiquant avec l’autre, en faisant des efforts et des compromis. Mais accepter la séparation, de descendre de l’escalator relationnel, du modèle classique, avec l’impression de remettre en cause 15 ans d’existence, affronter le regard des autres et de perdre tous ses repères, ça demande beaucoup de ressources.

Aujourd’hui elle a décidé de vivre sa nouvelle relation de manière monogame, ce qui correspond plus à son fonctionnement et moi de continuer à vivre de manière non-exclusive, avec des personnes qui partagent également ce mode de vie. Moi qui est toujours vécu le polyamour depuis mon couple socle, maintenant je vais expérimenter ce mode de vie seul, peut-être même de manière plus anarchique.

Si mon histoire fait écho à la vôtre et que vous vous demandez si vous devez mettre fin à votre relation, je vous invite à lire l’article que j’ai fait sur ce sujet que je vous partage juste ici.

Publié par Romain

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