AMOUR, BONHEUR ET SOUFFRANCE | La leçon de Forrest Gump (détachement, stoïcisme, regard des autres)

Est-ce que vous avez déjà eu la sensation d’être inspiré par une personne, car vous ressentez chez elle, quelque chose de vrai, d’authentique, quelque chose qui vous fait écho et à quoi vous aspirez ? C’est personnellement ce que j’ai ressenti quand j’ai découvert Forrest Gump, ce personnage de fiction, qui a beaucoup à nous apprendre. Et ça tombe bien, puisque sa façon d’être illustre très bien mon article précédent sur les enseignements d’Anthony De Mello. Donc je vous invite à plonger ensemble dans cette histoire pour l’analyser et percer le secret de Forrest Gump et je vous proposerai en fin d’article, un résumé de la leçon qu’il nous transmet.🍃


ARC TRANSFORMATIONNEL

Certaines histoires nous touchent vraiment, particulièrement quand les personnages sont réussis car on arrive à s’identifier à eux où qu’ils reflètent quelque chose que nous aspirons au plus profond de nous. Leurs évolutions se fait souvent selon un arc transformationnel positif ou négatif, comme je vous en avais donné l’exemple dans mon article polystory.

Dans la plupart des cas, au début de l’histoire, le personnage principal a une perception du monde biaisai par ce qu’on pourrait appeler une croyance ou un mensonge. Puis il vit un événement ou rencontre une personne qui lui apporte une nouvelle perception, une « vérité », qu’il rejette. Et toute l’histoire consiste à suivre l’évolution qui va l’amener à abandonner, petit à petit, son mensonge et embrasser cette perception qui aura un impact positif dans sa vie.

Dans le cas de Forrest Gump, il s’agit d’un arc transformationnel plat, c’est-à-dire que le personnage détient déjà une vérité, il ne va pas changer, mais ce sont les autres protagonistes qui auront l’opportunité de changer à son contact. Et vous allez voir que cette histoire illustre très bien les propos d’Anthony De Mello et toute cette philosophie de vie que j’aime vous présenter par morceau dans tous mes contenus.

L’ENFANCE DE FORREST GUMP

Au début de l’histoire, Forrest Gump est un petit garçon qui vit seul avec sa mère, abandonné par son père. Il paraît différent des autres enfants. On ne sait pas bien comment il fonctionne, mais on le trouve limité, avec un QI de 75 et un dos cassé qui le contraint de porter des attelles. A l’école, il n’arrive pas à s’intégrer, on se moque de lui et on le harcèle verbalement et physiquement. Donc à priori, Forrest ne commence pas sa vie avec les meilleures cartes, en tout cas, pas celles qu’on espère pour vivre heureux.

Mais il peut compter sur l’amour et la dévotion de sa mère qui va le guider, en lui expliquant qu’il n’est pas différent des autres, qu’il ne doit pas les laisser dire qu’ils sont meilleurs que lui, qu’il doit faire de son mieux et trouver sa propre destinée. Que la vie c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.

Tous ces enseignements vont l’aider à accepter et bien vivre sa différence. C’est ce que l’on observe durant sa rencontre avec Jenny, qu’il aimera tout au long du film. Quand elle lui demande ce qu’’il ne va pas avec ses jambes, il lui répond qu’elles vont très bien. Quand elle lui demande s’il est stupide, il répond que seule la stupidité est stupide. Il ne dit pas ça pour se défendre d’une remarque déplacée, c’est juste la vérité.

SON SECRET ET SA VERITE

La particularité principale de Forrest Gump, c’est qu’il ne donne pas de sens et ne comprends pas forcément la complexité de ce qu’il voit ou ce qu’il vit. Face à quelque chose de complexe, il ne perçoit que l’évidence. Par exemple, quand il parle du Ku Klux Klan, il ne voit que des gens habillaient avec de drôle de tenues blanches. Il est comme un éternel enfant dont le corps va continuer de grandir.

Mais ce qui caractérise le plus Forrest Gump et qui va illustrer mon article précédent, c’est qu’il est détaché de tout, à l’exception de Jenny et sa mère, dont on parlera plus tard. Ce détachement va lui permettre de traverser toutes les épreuves de sa vie dans l’amour et la sérénité.

Chaque film a un thème et d’après mon opinion, dans celui-ci il s’agit de la destinée dont je reparlerai en fin d’article. Tous les autres personnages, sont portées par une destinée. Ils sont tous attachés à accomplir quelque chose de spécifique, d’atteindre un objectif, c’est le sens qu’ils donnent à leurs vies.

Forrest Gump lui n’est attaché à rien, il est comme cette plume symbolique que l’on voit dans le film, il se laisse guider au gré du vent. Ça pourrait être sa vérité, mais il n’en a pas conscience et ne peut pas la transmettre aux personnes qu’il rencontre.

Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est que dans ce genre d’histoire, la vérité du personnage principale doit être mis à l’épreuve par les mensonges des autres protagonistes, c’est censé être une lutte. Mais la force de Forrest Gump, son secret, c’est qu’il est tout simplement insensible aux mensonges. Il n’est pas intellectuellement capable de les comprendre et c’est ça qui est génial ! Il est immunisé contre tout ce qui conditionne notre éducation, notre société et qui nous fait souffrir.

Je vous donne un exemple concret. Plus tard dans l’histoire, Jenny demande à Forrest s’il a déjà rêvé de qui il veut être plus tard ? Il ne comprend pas le sens de la question et lui répond « Ne vais-je pas être moi ? ». Et c’est la vérité, car on n’est pas ce à quoi on s’identifie. Je pourrais me dire que je veux être footballeur et si j’y arrive, m’identifier en tant que tel. Je pourrais me présenter, m’habiller et me comporter par rapport à tout ce que j’associe à cette identité. Pour autant, si je me casse la jambe et que je ne peux plus jouer, je ne serai plus footballeur, je vais vivre une crise d’identité, mais je serai toujours moi. Ce à quoi on s’identifie ne sont que des étiquettes, qu’une couche de notre personnalité artificielle, mais ça n’a rien à voir avec qui nous sommes. Si ce sujet vous intéresse je vous mettrai en description l’intervention de Laurent Gounelle sur ce sujet.

De son côté, Jenny lui dit qu’elle veut être célèbre. Ce qui n’est pas un problème en soi, mais à partir du moment où elle s’y attache et que ça devient une attente, elle en souffrira probablement toute sa vie.

Maintenant on va voir comment cet état d’esprit de non-attachement va affecter la manière dont il va vivre les événements de sa vie.

SA PERCEPTION DU MONDE

Forrest rencontre Elvis Presley avant qu’il ne devienne célèbre. Sur son riff de guitare il se met à danser. Comme il n’est pas attaché au regard des autres, malgré ses attelles, il n’hésite pas à faire des mouvements avec ses jambes qui vont inspirer le chanteur. Bien sûr comme beaucoup d’autres passage dans le film, ça reste une fiction et des clins d’œil à l’histoire de l’Amérique.

Ensuite, pendant la scène culte où il est harcelé violemment par des enfants à vélo, il n’a pas l’air plus contrarié que ça car encore une fois il n’accorde pas d’importance au regard des autres. C’est Jenny qui l’alerte et lui dit « cours Forrest », malgré la contre-indication du docteur. A ce moment-là, elle le dit par peur pour sa sécurité, mais lui ne cours pas ou ne fuit pas parce qu’il se sent en danger, il le fait simplement parce que quelqu’un en qui il a confiance le lui demande.

A l’université, ses talents de coureur finissent par intéresser les coachs de football américain. Et il est très efficace dans son rôle puisqu’il a juste à courir sans se poser de question. Grâce à ce sport, il finit par obtenir son diplôme et rencontrer le président. Mais il n’attache pas d’importance à ce diplôme ou cette rencontre prestigieuse, il est juste content de pouvoir profiter du buffet.

Il s’engage ensuite dans l’armée, sans aucun objectif ou conviction, juste à cause d’un prospectus qui explique qu’ils ont besoin d’aide et de jeunes hommes talentueux. Bien sûr il s’y intègre parfaitement, parce qu’ils excellent dans l’art de suivre des ordres à la lettre sans réfléchir. Et quand la guerre éclate et qu’il doit aller se battre au Vietnam, il est encore une fois détaché.  Il n’est pas là pour se battre ou gagner une guerre, mais pour aider parce qu’on lui a demandé. Il en profite pour visiter le pays et faire de nouvelles activités. Rien de ce que décrit Forrest, n’est ressentie comme quelque chose de négatif, car il vit dans la réalité, dans le moment présent, sans attentes. Il ne peut pas souffrir d’angoisses, puisqu’il n’a pas d’attentes et acceptent les événements tels qu’ils viennent. Quand il parle des pluies qui duraient des mois, il ne s’en plein pas vraiment, il parle de leurs diversités de formes, que ça dure longtemps et il finit par en ressortir une expérience spéciale quand celles-ci s’arrêtent parfois la nuit et qu’on aperçoit les étoiles.

Quand il se retrouve sous les feux ennemis, il cherche encore une fois à aider et finit par sauver de nombreux soldats au péril de sa vie. Juste parce qu’il le peut, alors il le fait. Et quand il se fait tirer dessus, il l’accepte et ne s’en plaint pas, par contre il nous raconte que ça lui permettait de manger des glaces gratuitement à l’infirmerie. Et quand on lui remet une médaille et qu’il rencontre le président, il n’y accorde toujours pas d’importance, encore une fois car il n’est pas attaché à devenir un héros ou être célèbre, il ne comprend même pas pourquoi on lui accorde toute cette attention juste pour avoir fait ce qu’on lui demandait.

Bien-sûr ça reste une fiction, les situations sont parfois exagérées, mais vous comprenez bien l’intérêt de cet état d’esprit. Ici on ne se pose même pas la question de la pertinence de ses choix, de savoir s’il devrait ou pas participer à cette guerre, mais plutôt l’absence de mauvaises raisons qui le pousse à le faire. Il ne le fait pas pour la gloire, pour être un héros, pour prouver quelque chose à quelqu’un, pour montrer qu’il est le plus fort, pour vaincre un adversaire, montrer ses compétences ou quoi que ce soit d’autre, il le fait simplement pour aider, parce qu’on lui a demandé. Il le fait par amour et pas par peur ou par égo.

Il se met ensuite au ping pong, parce ce qu’en suivant un simple conseil, il est devenu bon et il aime pratiquer ce sport. Il va finir par participer au championnat du monde en Chine, mais il le dit sans attachement, il ne nous dit même pas s’il a gagné ou non, gagner n’a jamais été important pour lui.

Il décide alors de tenir la promesse de son ami mort à la guerre et d’aller pêcher la crevette. Il utilise toutes ses économies pour changer de vie. Il ne le fait pas dans l’espoir de gagner beaucoup d’argent, mais simplement pour tenir sa parole. Les conditions sont très dures, mais malgré tout il ne s’en plaint pas et s’émerveille des couchés du soleil sur l’océan. Par chance, il finit par pêcher en grande quantité et devient riche. Il le raconte sans fierté, c’est juste un fait et ça n’a pas l’air de l’affecter plus que ça.

Il devient encore plus riche quand son associé investi dans Appel. Il dit qu’il n’a plus à se soucier de l’argent et que c’est bien, c’est ça de moins. Mais il reste encore une fois détaché de cet argent. Sa mère avait l’habitude de lui dire que nous avons besoin que d’une certaine somme d’argent, et que le reste sert juste à frimer. Donc il en donne beaucoup aux associations et choisit une autre activité, tondre le gazon des stades gratuitement. Il n’est donc pas attaché non plus au prestige qu’il pourrait retirer de sa position, il fait simplement ce qu’il a envie de faire, parce qu’il le peut et sans influence extérieure.

À la suite du décès de sa mère, il part courir et il ne s’arrête plus. Pendant plus de 3 ans il parcourt le pays d’un bout à l’autre et devient célèbre une fois de plus. Il ne le fait toujours pas pour la gloire ou pour attirer l’attention, mais simplement parce qu’il en a envie ou besoin, pour réfléchir et faire son deuil. Il ne parle pas de la difficulté de l’effort, mais il nous raconte à nouveau le plaisir qu’il a à admirer les couchés de soleil. Il est suivi par de nombreux fans, qui cherche tous à donner du sens à son acte, chacun y attache une importance personnelle, mais le jour où il s’arrête, toutes ces personnes se retrouvent seuls, courir à perdu du sens, car ils ne le faisaient pas tant pour le plaisir du sport, mais pour des attachements liés à leurs histoires.

SES RENCONTRES

Parmi toutes les rencontres que fait Forrest, Jenny, Bubba et le Lieutenant Dan sont les plus importantes. On va donc analyser quels étaient leurs mensonges, liés à leurs histoires, leurs programmes et quel impact a eu le héros sur eux.

Ici je ne vais pas trop m’attarder sur sa mère, car on ne sait peu de chose sur elle, hormis l’éducation qu’elle a donné à Forrest. Mais il semblerait qu’elle était attachée, corps et âme, à ce que son fils ait les mêmes chances que les autres malgré ses spécificités. Elle a même été jusqu’à coucher avec le proviseur d’une école pour qu’il y soit admis. Finalement, Forrest a su répondre à ses attentes et bien plus encore.

Jenny, elle, n’a pas du tout eu la même chance pour son éducation, étant gardé par son père alcoolique et violent. C’est le plus gros contraste du film, Forrest a grandi dans l’amour et l’idée qu’il était capable d’accomplir de grande chose. Jenny a grandi dans la peur avec tous les traumatismes et troubles affectifs que peut engendrer un parent abusif et violent. Durant toute l’histoire, elle sera dans un état de peur, de fuite et de pessimisme ; Forrest sera dans un état d’amour et non pas d’optimisme, mais de réalisme. C’est-à-dire qu’il ne voit pas de verre à moitié vide ou à moitié plein, il voit les choses telle quelles sont, un verre qui contient de l’eau.

Mais ce qui nous intéresse vraiment ici, ce sont ses attachements, ses attentes. Jenny veut chanter et être célèbre, c’est son destin. Elle est tellement focalisée sur cet objectif, quelle acceptera d’être manipulé, humilié et abusé pour arriver à ses fins, comme quand elle chante nue sur scène. Elle passera finalement sa vie à la recherche de quelque chose, peut-être l’amour de son père, la reconnaissance ou la célébrité, mais comme disait Lennon « la vie est ce qui vous arrive pendant que vous êtes occupé à faire autre chose ». Jenny passera à côté de la sienne, même si elle décide de vivre avec Forrest pendant quelque temps, elle gardera toujours la tête ailleurs, hors du moment présent.

Le destin de Bubba, son compagnon d’arme, était tout tracé. Toute sa famille travaillait dans la pêche à la crevette, lui aussi et après la guerre il se servirait de son expérience pour créer sa propre entreprise et être capitaine de son chalutier. Il était complétement obsédé par cette idée et ne parlait que de ça, il n’y avait aucun doute, même pour Forrest, c’était son destin. Jusqu’au jour où il est blessé sur le champ de bataille. Forrest lui-même est surpris de son destin quand il dit « Bubba allait être capitaine d’un bateau de pêche à la crevette, mais à la place, il est mort juste à côté de cette rivière au Vietnam ». Bubba était tellement confiant de son destin, qu’il n’a même pas envisagé que la guerre pourrait perturber ses plans. Il a passé une grande partie de sa vie, dans ses pensées, à imaginer son rêve, sans vraiment s’intéresser au monde extérieur.

Le Lieutenant Dan quant à lui, est un personnage particulier du film, car c’est le seul qui va changer au contact de Forrest. Sa destinée, comme tous les hommes de sa famille avant lui, était de mourir au combat sur le champ de bataille en héros ! Jusqu’au jour où son moment arrive enfin, il est blessé et va certainement mourir comme il le voulait. Mais c’est sans compter l’intervention de Forrest qui vient le sauver in extrémiste. Le lieutenant essaye de l’en empêcher, mais rien n’y fait.

Il se retrouvera finalement à l’infirmerie amputé des deux jambes. Mais ce n’est pas la seule chose qu’il a perdu, il a perdu sa destinée, car il ne pourrait plus jamais aller se battre et avoir une « chance » de mourir au combat. Il s’était identifié dans ce rôle, donc sa vie avait perdu tout son sens. C’est mis en lumière dans ce dialogue. Le lieutenant dit « j’avais un destin, j’étais le lieutenant Dan Taylor », Forrest répond « vous êtes toujours le lieutenant Dan », mais celui-ci lui dit « regarde-moi, qu’est-ce que je vais faire maintenant ? ». Il a passé sa vie à correspondre et s’identifier à un rôle, à une destinée, qui comme Budda était conditionné par son éducation et sa famille.

Il va ensuite vivre plusieurs années à boire et à se plaindre de son sort, jusqu’au jour où il croise Forrest à nouveau. Celui-ci lui parle de son projet de devenir capitaine d’un bateau de pêche à la crevette et le lieutenant le prend à la rigolade et dit que si ça arrive, il deviendra son second. Ils finissent tous les deux par tenir leurs promesses et se retrouvent à pêcher ensemble. Ils connaissent la galère, puis la richesse. Le Lieutenant Dan trouve une nouvelle raison de vivre, reprend goût à la vie, trouve l’amour et achète des prothèses pour ses jambes. Il finira par remercier Forrest de lui avoir sauvé la vie et à faire la paix avec Dieu qu’il blâmait également pour son sort.

STOÏCISME

C’est un oubli dans la vidéo que je rajoute dans cet article, mais le comportement de Forrest Gump correspond bien au stoïcisme, qui peut être défini comme : “doctrine de l’école du philosophe grec Zénon où la vertu doit être la seule source du bonheur et non le plaisir. Une action est bonne si l’intention derrière est bonne. Soutenir un ami malade est une bonne action si vous vous souciez véritablement de sa santé. Si vous venez pour être bien vu afin de toucher un héritage, cela est une mauvaise action, malhonnête et égoïste. Courage et impassibilité face à la douleur et l’adversité“.

Forrest Gump a toujours agi avec vertu, bienveillance, par amour et pour le bien des autres ; sans chercher son intérêt personnel ou à nourrir son ego. Il est resté courageux et impassible face à toutes les difficultés, il a accepté chaque situation telle qu’elle se présentait, il est resté connecté à la nature et au moment présent.

LA LECON DE FORREST GUMP

Quelle est la leçon du film, de Forrest Gump et quel est le lien avec mon article précédent sur les enseignements d’Anthony De Mello ?

Dans toutes ces aventures, Forrest est resté détaché émotionnellement. Mais cette expression peut faire peur, on pourrait penser que ça signifie, faire les choses sans émotions, sans amour et c’est faux. Quand on est attaché émotionnellement à quelqu’un ou quelque chose, on crée des attentes sur ce qu’il va se passer, on s’imagine une histoire, on idéalise et on veut atteindre un certain objectif. En s’identifiant à cette fiction, une partie de nous se retrouve lié à cette personne ou cette chose. Et dès que celle-ci s’éloigne de ce que l’on a imaginé, si cette personne ne se comporte pas comme on le voudrait, par exemple, on en souffre.

Vivre et aimer avec un détachement émotionnel, signifie qu’on aime, qu’on se soucie de ses personnes ou autres choses, mais qu’on les laisse libre d’être elles-mêmes, telles quelles sont réellement, sans chercher à les changer pour qu’elles correspondent à nos attentes. Cela permet de donner l’opportunité et l’espace aux relations et aux autres choses de se développer de façon organique et authentique, sans chercher à les influencer ou les contraindre à notre vision limitée et illégitime. La nuance à comprendre ici, c’est que si on pense qu’une personne a besoin d’aide, on va faire de notre mieux pour l’aider, pour elle, mais pas dans notre intérêt personnel et sans attentes sur le résultat.

Donc lâcher prise sur nos attachements et nos attentes, fait disparaitre nos frustrations, nos charges mentales et émotionnelles, pour laisser place à plus de sérénité et de joie. Forrest n’a pas idéalisé ce que serait de s’engager dans l’armée ou de pêcher la crevette, il l’expérimente simplement. Ce qui ne nous empêche pas de changer de direction si ça ne nous plaît pas, mais ce sentiment ne sera pas biaisé par le décalage entre nos attentes et la réalité.

Cet état quasi-total de non-attachement, sans attentes vis-à-vis du monde extérieur, a permis à Forrest de surmonter toutes ses épreuves avec sérénité. Ça ne l’a pas coupé du monde, au contraire, c’est ce qui lui a permis de toujours être dans cet état d’amour, d’empathie et de joie. Et surtout d’être connecté à son environnement, à la nature, d’être à 100 % dans le moment présent et l’acceptation. De vivre pleinement sa vie.

La seule exception est son attachement pour Jenny quand il dit qu’il aimerait être son petit ami. Il y pense souvent et c’est bien la seule chose qui lui a généré un peu de contrariété et de colère. Cet attachement reste quand même modéré puisque ça n’a pas trop perturbé sa vie.

Les autres personnages avaient un mensonge en commun. L’idée qu’ils avaient une destinée précise et toute tracée, pour Jenny c’était un moyen de fuir son monde,pour Budda et le Lieutenant Dan c’était inévitable. Mais le mensonge ne réside pas dans la destinée en elle-même, puisqu’après tout chacun ses croyances et cette idée peut se retrouver sous une forme ou une autre dans différentes philosophies et religions. Le mensonge réside dans l’idée qu’ils connaissaient d’avance leurs destinées et qu’ils en avaient la maitrise.

Comme le remarque Forrest à la fin du film, qui s’interroge sur la destinée et pense que nous sommes à la fois cette plume qui se laisse guider par le vent, mais que nous avons un destin, que nous ne maitrisons pas et que nous découvrirons au fur et à mesure de notre vie.

Personnellement, je ne pense pas que ce soit un problème de se projeter et d’avoir des plans pour le futur ; à partir du moment où on n’est pas attaché à un objectif, qu’on n’a pas d’attentes et que l’on ne s’identifie pas à ce que l’on veut faire.

On peut matérialiser ça par un croisement avec plusieurs chemins et panneaux qui indiquent différentes destinations. C’est bien de réfléchir à celle qui nous fait envie, mais il faut la choisir sans être attaché à l’atteindre, pour le plaisir qu’on va prendre à emprunter ce chemin. Peu importe si celui-ci va finalement nous emmener ailleurs ou nulle part. Et si vous savez que la destination que vous voulez emprunter est un chemin très difficile pour vous, que vous aurez du mal à apprécier, prenez le temps de vous demander si c’est vraiment ce dont vous avez besoin. La vie ce n’est pas quelque chose que l’on doit planifier d’en profiter dans quelques mois, années, à la retraite ou quand on aura atteint un certain objectif. En fin de compte, tout au bout du chemin, c’est la mort.

Ça veut dire que quand on a l’état d’esprit de non-attachement de Forrest Gump, on ne peut pas passer à côté de sa vie. Peu importe les chemins qu’il aurait pu prendre, il les aurait probablement appréciés avec sérénité. Car la seule chose qui nous fait véritablement souffrir dans la vie, c’est la différence entre la réalité et ce qu’on veut, ce qu’on imagine, nos attentes.

C’est comme la réussite, c’est un concept complétement subjectif. Si vous souffrez, que vous avez l’impression que vous ne réussissez pas, ça vient probablement de votre définition de la réussite ou de celle des personnes à qui vous accorder de l’importance. Si j’ai une femme, des enfants et un boulot alors j’ai réussi, à mes yeux et à ceux de mes proches, de la société. Si je divorce c’est un échec et je vais chercher activement une nouvelle compagne et la stabilité pour me rapprocher à nouveau de cette réussite, car pendant ce temps le monde me rappelle que j’ai commis une erreur, que j’avais réussi et que maintenant je dois tout reconstruire.

Mais ça, c’est une histoire de perception. Si ma définition de la réussite, c’est d’être paisible et subvenir aux besoins de mes enfants, alors j’ai réussi. Je n’accorde pas d’importance aux regards des autres, à ce que la société voudrait que je sois, je vis seul et je me sens bien. Mes enfants ont besoin d’affection, de présence, de jouer, je leur apporte tout ça, ils sont heureux, j’ai réussi.

Demandez-vous ce que vous considérez être la réussite ? Est-ce que c’est vous qui avait fixé cette objectif ou quelque chose ou quelqu’un d’autre ? Est-ce que ça vous correspond ou satisfait ?

Dans ce film, pour donner un maximum de contraste à l’histoire, ils font réussir Forrest (aux yeux de la société) dans tout ce qu’il entreprend. Mais on imagine qu’il aurait pu vivre très longtemps d’une pêche qui ne lui rapporte pas beaucoup d’argent. Et si ça ne lui permettait plus de subvenir à ses besoins, il aurait simplement fait autre chose.

Moi par exemple quand j’ai créé cette chaîne, je l’ai d’abord fait pour le plaisir de partager mes réflexions. Et puis j’ai eu envie de « réussir », je me suis donc attaché au travail que j’allais fournir, au nombre de vidéo (ou d’article) que j’allais faire, au nombre de vues et de commentaires. Est-ce que les gens aiment ou pas ? Et très vite j’ai remarqué que ça me bouffer mon temps et mon énergie, que ça n’allait plus être un plaisir et que je n’avais pas fait cette chaîne pour ces raisons. Donc je me suis détaché de cette activité, ce qui ne m’empêche pas de bien la faire, mais je la fais en prenant mon temps, quand j’en ai envie et uniquement pour le plaisir de partager mes réflexions et peut-être d’aider. Le simple fait d’être satisfait de ma vidéo est une réussite, peu importe comment elle est accueillie ou les statistiques qu’elle aura. Donc il suffit de changer de perception, de se détacher comme Forrest, pour retrouver une vie simple, paisible et connecté au moment présent.

Et on pourrait se dire « oui mais il est un peu simplet, c’est facile pour lui », vous savez quand on parle d’imbécile heureux. Alors que dans notre société on valorise et sacralise la pensée. C’est-à-dire qu’on a l’impression que plus on pense et plus on est intelligent. Mais en fait, plus on est dans le mental et plus on bride notre intelligence par un flot continu de pensée et d’information parasites, c’est une charge mentale. Savoir gérer son mental est une forme d’intelligence. D’ailleurs des formes d’intelligence, il y en a beaucoup, des manières différentes de percevoir le monde, d’être sensible ou d’interagir.

Ça me fait penser à cette remarque de Sadhguru qui illustre bien ce film : « les idiots font des choses qu’ils n’aiment pas faire, souffrent toute leur vie, parce qu’ils pensent que c’est nécessaire ou que c’est leur devoir. Les gens intelligents font ce qu’ils aiment faire, ils profitent de leur vie dans une certaine mesure. Mais un génie apprend à faire ce qui est nécessaire avec joie. C’est là que votre génie s’épanouit, parce qu’il ne s’agit plus de vous, maintenant il y a une façon illimitée de voir la vie. »

De ce point de vue, Forrest Gump est un génie ! Même si par sa nature, il a pris peu de décision et s’est laissé embarqué dans des aventures toutes sa vie, comme la plume, il a appris à faire ce qui était nécessaire avec joie. Il est toujours resté connecté au moment présent, à la nature et à sa beauté.

Ce qui est particulièrement intéressant dans cette réflexion, c’est que faire quelque chose que l’on aime faire, c’est bien, mais on peut aller plus loin. Car ce n’est pas évident, c’est même rare de toujours faire ce que l’on aime et de garder ce niveau de joie. Mais savoir faire ce qui est nécessaire dans la joie, ça c’est génial ! Et on peut passer d’un idiot à un génie en un claquement de doigt, ça m’arrive tous les jours, dans un sens ou dans l’autre. J’en parle d’ailleurs dans mon article sur l’état paisible. Je suis capable de faire la vaisselle automatiquement dans un état de « je n’aime pas faire ça, mais je dois le faire donc je me dépêche et je passe à autre chose ». Et puis je me dis « non, je ne veux pas passer 15 min à être dans cet état », même si ce n’est pas grand-chose, donc je me demande comment faire ça dans la joie ? Je mets de la musique, je me positionne confortablement, je ralentie, je prends mon temps et je ne pense pas à ce que je vais faire après, mais je me concentre sur mes sensations.

Comme dirait le mentor dans Peaceful Warrior de Dan Millman : « n’abandonne pas ce que tu aimes, mais trouve l’amour dans ce que tu fais ». Donc peu importe le chemin que tu choisis, tu peux toujours trouver le moyen d’en profiter et d’aller dans la direction que tu souhaites. Et aucun chemin n’est bon ou mauvais. C’est ce qu’exprime Tennessee Williams quand il dit que « tout aurait pu être- complétement autrement et en ayant tout autant de sens ».

Bref, je vous résume très simplement ce que Anthony De Mello et Forrest Gump peuvent nous apprendre. Ils nous invitent d’abord à se détacher du regard et de l’influence des autres, autant que possible, en commençant par se demander d’où vient le besoin d’y accorder cette importance. Ensuite, si on est contrarié ou frustré, ce n’est pas la faute de quelqu’un ou de quelque chose d’extérieure. Nous n’en sommes pas directement responsables non plus car ce sentiment vient de notre programme, de nos attachements, de la manière dont nous percevons et vivons une situation. C’est le décalage entre l’histoire que l’on se raconte et la réalité, qui nous fait souffrir. C’est ce à quoi on s’expose quand on pense de façon pessimiste ou optimiste, être réaliste permet de vivre les choses telles quelles sont, sans y ajouter de sens. Et essayer de changer sa vie pour faire ce que l’on aime, ça la rend plus agréable, plus facile, mais on peut aller plus loin. On peut apprendre à faire ce qui est nécessaire dans la joie et la sérénité, ne pas abandonner ce que l’on aime, mais trouver l’amour dans ce que l’on fait. Ensuite on peut prendre toutes les directions que l’on veut, du moment que l’on apprend à apprécier le chemin et qu’on n’est pas attaché à atteindre une destination spécifique. Si la vie est comme une boîte de chocolat et qu’on ne sait jamais sur quoi on va tomber, on doit accepter qu’on ne sache jamais exactement où les chemins que l’on emprunte vous nous emmener, mais qu’on est là uniquement pour profiter du voyage.

PS : CHANCEUX.SES

Je n’en parle pas dans cet article, mais on pourrait se dire que cette philosophie de vie, cet état d’esprit, est plus facile et accessible quand on a de la chance, qu’on est en bonne santé, intelligent.e, beau.lle, riche, etc. Mais au contraire, plus on a toutes ces choses, plus on s’y identifie et plus on se construit autour de cela. Quand on pense être beau.lle (ou laid.e) ou riche par exemple, on devient esclave du regard des autres et de son argent. Quand on trouve que la vie est injuste, on se compare aux autres, on est envieux, jaloux, on n’accepte pas la réalité telle qu’elle est, et on en souffre. Or, ce n’est pas la santé, l’intelligence, la beauté ou l’argent qui nous rendent heureux.ses, cela nous évite seulement quelques souffrances qui n’existent qu’à cause de nos attachements.


Publié par Romain

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par Anders Noren.

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