AMOUR, BONHEUR ET SOUFFRANCE | Comment ne plus souffrir ? (attachement, désir, attente, dépendance)

Vous arrive-t-il souvent d’être contrarié ou de souffrir en amour, dans les relations en général ou dans votre vie quotidienne ? Je vous présente les enseignements d’Anthony De Mello, qui vous permettront de comprendre l’origine de vos souffrances et comment s’en détacher. Déposez bien toutes vos idées reçues et vos croyances (vous pourrez les récupérer en sortant), pour être en mesure d’écouter cet étonnant personnage ! À travers sa formule, il nous confronte à la réalité, nous invite à abandonner nos croyances et à nous libérer de nos attachements pour « redécouvrir la vie ». 🌻


ETRE A L’ECOUTE

Anthony passe pratiquement 45 min à préparer son audience à être en capacité de recevoir ce qu’il va dire. D’après son expérience, c’est vraiment très important, car il parle de quelque chose de nouveau, d’inattendu, qui va à l’encontre de tout ce que la société nous apprend, et il faut se préparer à l’entendre.

Cette écoute ne peut pas se faire depuis nos positions, nos concepts et nos préjugés fixes, mais avec une grande ouverture d’esprit. Il insiste sur le fait qu’écouter, ce n’est pas gober, faire confiance ou être en accord, mais c’est avoir un esprit frais et alerte, sans idées reçu, ni préjugés, et questionner, décortiquer et analyser tout ce qui est dit. Il est d’ailleurs possible d’être en désaccord et de comprendre.

Ce qu’il enseigne a changé sa vie et est très facile à comprendre, accessible à un enfant de 7 ans, en quelques minutes. Mais peut prendre plusieurs heures, jours, mois ou années à l’intégrer, ça dépend de nous.

CONDITION HUMAINE

Anthony nous parle d’abord de la condition humaine, à quel point nous avons la capacité d’envoyer une fusée dans l’espace, d’augmenter notre confort et notre plaisir, sans pour autant, réussir à résoudre les problèmes de souffrance, d’angoisse, de solitude, de désespoir, de dépression, de chagrin, de peur, de haine, de cruauté, etc. Quand on parle de peur ici, il ne s’agit de réponse immédiate à un danger, mais d’une peur abstraite de quelque chose qui peut arriver.

Lennon disait « La vie est ce qui vous arrive pendant que vous êtes occupé à faire autre chose ». « Autre chose » est souvent synonyme d’inquiétude, d’angoisse et de souffrance.

Si on illustre cet état, imaginez-vous au début d’un concert, vous êtes enfin à votre place dans toute cette foule et vous vous souvenez à cet instant que vous n’avez pas fermé à clé votre voiture garé pas loin. Vous vous retrouvez dans un état où il est très compliqué d’aller fermer votre voiture et où il est très compliqué d’apprécier la musique à cause de cette contrariété. Vous n’êtes plus présent, vous êtes dans un entre deux, dans une constante anxiété de vous demander ce que vous allez faire et ce qu’il arrivera ensuite.

« La vie est ce qui vous arrive pendant que vous êtes occupé à faire autre chose ». Car nous avons peur et nous sommes attachés à des choses qui n’existent pas et dont nous acceptons que notre bonheur dépende. Ce sont des illusions, des mensonges ou des croyances qui ne sont pas la réalité. Si notre bonheur dépend de quelque chose d’extérieur, alors ce n’est plus du bonheur, mais une source de tension, d’anxiété et de peur de perdre cette chose.

Et ce n’est pas la multiplication des plaisirs, de la richesse ou l’absence de douleur qui fait notre bonheur. Anthony donne l’exemple d’un homme qu’il a connu et qui venait d’apprendre qu’il lui restait seulement 6 mois à vivre. Plus tard en fin de vie, il avouait avoir découvert le bonheur, malgré la douleur, car l’annonce du verdict l’avait forcé à abandonner toutes ses attentes et donc lâché prise sur tout ce qui l’empêchait d’être heureux.

D’après lui, ce qui nous permet d’atteindre cet état, nous le connaissons depuis longtemps, mais personne ne veut l’entendre !

PREREQUIS

Ok, mais admettons que vous soyez à l’écoute et que vous aillez la curiosité de comprendre. Qu’est-ce qu’il faut faire ? D’abord accepter deux vérités à propos de nous.

La première est que notre vie est un bordel ! Et là on pourrait se dire « bah moi ça va plutôt bien, j’ai un diplôme, un boulot, de l’argent, une maison, une copine, des amis, etc. ». Ok, mais est-ce qu’il t’arrive d’être contrarié ? « Bah oui c’est normal, comme tout le monde ». Non ! Nous ne sommes pas supposés ressentir du chagrin, de la solitude, de la peur, de l’anxiété, de la contrariété, etc. Ça peut paraître révoltant, mais on comprendra pourquoi par la suite, ce qui nous amène au second point.

Nous ne voulons pas sortir de ce bordel ! Bien sûr ce n’est pas volontaire, personne ne s’est levé un matin en se disant, « aujourd’hui je vais être contrarié et je n’ai pas envie que ça change » ! Mais on a été conditionné, à penser que certaines situations justifient ces réactions, que ce sont des réponses normales et logiques.

Et quand nous parlons de nos problèmes à quelqu’un, nous cherchons d’abord à être soulagé de nos contrariétés, sans les remettre en question. C’est plus confortable pour nous d’être la victime et de rejeter la faute sur l’extérieur. Et si tout le monde fonctionne de cette manière, nous allons mutuellement nous conforter dans ce rôle.

Au-delà de ça, sortir de ce bordel, s’en détacher, a un coût. Ça demande de renoncer en ce que nous avions identifié comme notre bonheur. Par exemple, accepteriez-vous d’être vraiment heureux, si vous deviez renoncer à votre succès, votre carrière, votre mariage ou une paye de 10 000 € par mois ? Et oui, on peut être riche et heureux, à partir du moment où notre bonheur n’est pas attaché à cet argent, et qu’on serait tout autant heureux sans.

Mais toutes les personnes qui recherchent la gloire, le prestige, la célébrité ou le pouvoir, deviennent esclaves du regard et de l’opinion des autres, ce qui est une immense source d’anxiété. Même en amour, nous avons des exemples comme Romeo et Juliette qui se sont tous les deux donner la mort, car ils estimaient que leur bonheur, et donc leur raison de vivre, dépendait de la présence de l’autre.

Anthony nous fait part de cette citation : « Lorsque l’œil n’est pas obstrué, le résultat est la vue. Lorsque l’oreille n’est pas obstruée, le résultat est l’ouïe. Lorsque l’esprit n’est pas obstrué, le résultat est la vérité. Lorsque le cœur n’est pas obstrué, le résultat est la joie et l’amour ».

Vous est-il déjà venu à l’esprit, que ce que vous appelez votre bonheur est en réalité votre chaîne ? Ça peut être un mariage, une entreprise, peu importe, où et avec qui, ou quoi, vous trouvez votre bonheur est peut-être votre prison.

DESIR, ATTACHEMENT ET ATTENTE

Dans cette partie, je rentre un peu plus dans le sujet, en commençant avec une citation du Buddha : « le monde est plein de chagrin (ou de peine), la racine du chagrin est le désir (ou l’attachement). Le déracinement du chagrin est l’absence de désir ». Anthony nuance la notion de désir, ici on ne parle pas, par exemple, de l’envie de voir quelqu’un : « si ça se fait tant mieux sinon ce n’est pas grave », mais du désir puissant, qui s’il n’est pas assouvis nous rend malheureux, « si je ne te vois pas, je serai triste ».

Ce désir puissant sur lequel nous basons notre bonheur, peut être également appelé un attachement. Donc dans tout cet article, quand je parle de désir ou d’attachement, il ne s’agit pas d’une envie légère, mais d’un besoin puissant générateur d’attentes.

Quand vous y pensez, toutes nos peurs ou nos contrariétés par exemple, sont liées à des attachements. Si vous allez au restaurant pour manger votre plat préféré mais qu’ils n’en ont pas ce jour-là, si vous êtes contrarié, c’est à cause d’un attachement (d’une attente).

D’ailleurs le Buddha a également dit : « si vous apprenez à apprécier le parfum de mille fleurs, vous ne vous accrocherez pas à une, ou ne souffrirez pas si vous ne pouvez pas l’obtenir ». Par exemple, je mange plutôt végétarien, mais j’adore la viande. Donc on me demande souvent comment je fais pour m’en passer. Eh bien je mange d’autres plats que je trouve tout aussi bon. Je ne suis pas attaché à retrouver un goût spécifique, j’ai simplement l’envie de manger quelque chose que j’aime et qui est bon pour ma santé.

Mais dans les cultures plutôt riches comme la nôtre, nous avons plus l’habitude de remarquer ce que nous n’avons pas, plutôt que ce dont nous jouissons. Si on reprend l’exemple de la personne atteinte d’un cancer à qui il reste 6 mois à vivre, en laissant tomber tous ses attachements : ses projets de carrière, de succès, de mariage, de maison, etc. Elle va commencer pour la première fois peut-être à vivre pleinement avec ce qu’elle a, dans le moment présent. Ça inclus des moments de douleur, mais ceux-ci peuvent être vécu dans un état général paisible ou dans la dépression. Donc ce n’est pas la douleur en elle-même qui contrôle notre état.

Quand on est enfant, on est plus facilement heureux, car on n’a pas vraiment d’attentes. On fait des caprices, mais ça dure 5 min. C’est en grandissant, qu’on nous apprend à avoir des désirs très intense, à être productif pour les atteindre et à s’interdire d’être réellement heureux tant qu’on ne les a pas atteints. On nous drogue à l’approbation, au succès, à l’accomplissement, la victoire, le pouvoir, la réputation, l’image, la gloire, le prestige, etc. Quand on en obtient, on est applaudi, on réussit, on est populaire, on a un bon sentiment, et à l’inverse quand on échoue on se sent comme une merde ! Donc on est donc complétement contrôlé par toutes ces drogues qui sont d’ailleurs bien exploitées par les réseaux sociaux. Et on ne prend jamais le temps de se demander si on ne serait pas plus heureux sans ces attachements qui sont fortement liés à notre culture de consommation !

Être détaché, ne veut pas dire, ne pas avoir d’émotion, mais ne plus avoir de contrariété et de tension, du coup il ne reste plus que la joie que l’on peut vivre avec tout autant d’intensité. Ça ne veut pas non plus dire qu’on s’en fout de tout, on peut être passionné et engagé par quelque chose tout en restant détaché du résultat final.

Le problème c’est que nous sommes conditionnés à penser que c’est la contrariété qui nous rend capable de réagir. Que si on nous double dans une file d’attente, nous devons être contrarié pour réagir. Mais c’est faux. Par exemple, dans mon travail, j’ai parfois un collègue qui m’appelle en stress, pour que je règle un problème grave et urgent ! Je lui réponds calmement « ok j’ai compris, je regarde ça et je te rappelle ». Et il me répond « non mais je crois que tu n’as pas bien compris la gravité de la situation ! ». Tant qu’il n’a pas la sensation que je suis moi-même contrarié et anxieux, il n’a pas l’impression d’être pris au sérieux et que je vais pouvoir agir rapidement et correctement.

En fait, si vous êtes en danger imminent, par exemple poursuivi par un vélociraptor, le stress et la décharge d’adrénaline sont plutôt utile. En dehors de ça, se contrarier c’est une double peine. Quelqu’un nous double dans la file, se comporte mal, mais c’est nous qui sommes contrariés ! Ce n’est ni logique, ni juste. Le pire est que cette contrariété, nous met dans un état émotionnel qui réduit notre sang froid, nos capacités physiques et intellectuelles. La même perte de faculté que nous pouvons avoir avec la pression d’un exam ou d’une compétition sportive si nous sommes attachés au résultat.

On nous apprend qu’être aimé est un besoin. C’est effectivement vital chez les bébés et important en grandissant dans la construction de sa sécurité affective. Mais d’après l’expérience d’Anthony, il considère que notre seul besoin en tant qu’adulte, c’est aimer et non être aimé, désiré ou apprécié. Et c’est une nuance super intéressante, car le simple fait d’aimer quelqu’un, est un sentiment qui suffirait à nourrir notre besoin d’amour, et quand on en reçoit en retour, ça s’additionne simplement. Mais vouloir que quelqu’un nous aime ou nous désir, et tout mettre en œuvre pour que ça se produise, est un comportement guidé par la peur, en lien avec notre ego et nos insécurités, qui peut nous engager dans une spiral infernale de manipulation, de contrôle, de mensonge, d’hypocrisie, de peur du regard et du jugement des autres.

Anthony appelle ça le « monkey love », l’amour de singe, sous-entendu stupide. C’est-à-dire que si vous êtes gentil avec moi, je le serai avec vous. Si vous me donnez ce que je veux, je vous apprécierai, sinon je ne vous apprécierai pas (like, dislike). Ce n’est pas de l’amour, mais un échange, un contrat. Si vous ne vous comportez pas bien, comme je veux, naturellement, je serai contrarié. Ce n’est pas de l’amour. Aimer c’est un sentiment qui n’attend rien en retour. Et c’est libérateur de découvrir que nous pouvons aimer, sans avoir à manipuler ou impressionner personne.

Nous faisons également souvent l’amalgame entre attachement et amour. C’est un classique des comédies romantiques : « sans toi, je serai malheureux ». Cette phrase, c’est l’autoroute du divorce. Aimer quelqu’un, ça veut dire : « je suis autonome et je me tiens debout sans m’appuyer sur toi. Je suis parfaitement heureux sans toi, je te laisse libre et je souhaite ton bonheur. Quand je suis avec toi, je suis ravi et sinon ce n’est pas grave, tu ne me manques pas, je ne ressens pas de douleurs ». Voilà une relation saine, que ce soit en amitié ou en amour.

Et là nous pourrions nous dire « oui mais si ne je suis pas attaché, je n’aime pas vraiment ? ». Mais paradoxalement, le plus grand ennemi de l’amour est l’attachement. Car si je désir quelqu’un (dans le sens d’attachement), je veux le posséder. Alors je ne peux pas le laisser libre, je dois l’avoir. Donc le manipuler et m’adapter pour l’avoir, ce qui engendre de l’insécurité et de l’anxiété. C’est plus du registre de la peur que de l’amour, et personne n’est libre.

Tout est basé sur la fausse croyance que sans l’objet de notre attachement, nous serions malheureux. Le jour où nous comprenons que c’est faux, ça peut prendre 2 min ou 20 ans, nous sommes libres. Comment s’exprime cette liberté, par exemple, quand nous ne sommes plus attachés aux autres ? Eh bien nous nous soucions d’eux, nous les aimons, mais nous n’agissons plus pour les satisfaire, nous ne sommes plus contrôlés par leurs opinions.

Nous ne pouvons pas véritablement apprécier quelqu’un dans son ensemble quand nous en avons besoin. Nous allons seulement voir en eux, ce dont nous avons besoin et qui entraîne l’anxiété de ne pas l’obtenir. Pour caricaturer, le politicien veut un vote, le commercial de l’argent, l’artiste de la reconnaissance, etc. Nous ne pouvons donc pas véritablement aimer quelqu’un quand nous en sommes émotionnellement dépendant. Pour autant, nous sommes des êtres dépendants ou plutôt interdépendants les uns des autres pour certains besoins, mais pas pour notre bonheur. Celui-ci ne doit dépendre de rien, ni personne.

Se détacher, ne va pas changer notre situation, mais simplement la manière dont nous la percevons et donc la manière dont nous la vivons. Si je suis malade et que je suis attaché à guérir, alors mon bonheur en dépend. Je vais être malade et dépressif, peut-être jusqu’à la fin de ma vie. Si je m’en détache, je serai probablement toujours malade, mais je vais uniquement subir les effets de cette maladie, aussi sereinement que possible, avec peu d’impact sur mon état émotionnel. D’ailleurs il donne sa définition du bonheur, comme un état de total non-attachement.

Un attachement est facile à détecter, il se cache derrière chaque contrariété. Par exemple, je peux être dans un état paisible qui va être perturbé, par l’envie soudaine d’avoir quelque chose ou de me dégager d’une situation inconfortable. Et je me dis inconsciemment que quand j’obtiendrai ce que je veux, alors je serai à nouveau paisible. Donc c’est l’attachement à cette chose qui bloque mon bonheur. Je vous redonne cet exemple que j’aime bien utiliser. Vous êtes chez vous, tranquille. Vous recevez un coup de téléphone pour un jeu à la radio, vous avez une chance sur deux de gagner 1 million d’euros ! Vous choisissez la mauvaise option et vous vous retrouvez complétement déçu, frustré et dégouté ! Cet argent n’a jamais été à vous, mais vous avez presque la sensation de l’avoir perdu. Vous vous y êtes attaché l’espace de quelques secondes, vous avez imaginez à quel point vous seriez heureux de les avoir, donc vous avez troublé votre sérénité et vous restez comme ça puisque vous ne pouvez pas avoir ce que vous vouliez. Il faut presque passé par les étapes du deuil pour sortir de cet état.

FORMULE ET PROGRAMMATION

Voici la formule d’Anthony : « rien dans la réalité, rien dans la vie, rien dans le monde, nous contrarie. Rien n’a le pouvoir de nous contrarier. Toutes les contrariétés existent en nous et non dans la réalité ».

En partant de cette hypothèse, nous pourrions penser que si un événement ou le comportement d’une personne n’est pas responsable de notre contrariété, du coup ce serait nous le responsable à blâmer, ce qui serait hyper culpabilisant ! Eh bien non, ce n’est pas nous ou en tout cas, pas directement. Personne ne choisit délibérément de se contrarier. C’est notre programme, c’est-à-dire la manière dont nous avons été éduqués, entraînés et conditionnés. Par exemple, deux personnes dans une même situation face à une promesse non-tenue, l’une peut ressentir de la contrariété et l’autre non. La contrariété n’est pas dans la situation, mais dans notre programmation. La personne contrariée est entraînée à la ressentir quand ça arrive. De la même manière que vous pouvez vous conditionner à déprimer quand la pluie arrive, ce que vous appellerez d’ailleurs du mauvais temps.

Maintenant je vais vous illustrer tout ça avec un exemple parlant. Vous voulez traverser un rondpoint et prendre la 2ème sortie. Vous suivez le code de la route, mais arrivé à la 1ère sortie, un homme dans une voiture vous coupe la route pour passer. Vous devez piler pour ne pas lui rentrer dedans.

Cette situation ne devrait pas être contrariante. Et vous pourriez vous dire : « je ne dois pas me mettre en colère, alors qu’il m’a coupé la route ? Que j’aurai pu avoir un accident ? Du coup ça reviendrait à accepter ou approuver son comportement ? A me laisser marcher dessus sans rien dire ? Et je devrais en plus ne pas le porter responsable, mais faire un travail sur moi et sourire en même temps » ?

Vu comme ça, ça paraît révoltant, mais je vais décortiquer le processus étape par étape. Déjà il ne s’agit pas de lui dégager la responsabilité de son comportement, il est responsable de ne pas avoir suivi le code de la route et de vous avoir mis en danger. Mais il n’est pas responsable de votre contrariété, c’est la nuance.

Donc ce n’est pas lui, ce n’est pas vous non plus, mais c’est votre programme qui déclenche cette colère, qui survient après l’incident et qui est inutile dans cette situation. Et vous pourriez penser : « il n’a pas eu de considération pour moi, donc il ne me respecte pas. Moi je fais attention aux autres et lui ne fait pas attention à moi, donc c’est injuste, donc ça me met en colère ».

Ok, pour déconstruire ce raisonnement, je vais emprunter les travaux du Docteur Gabor Maté, dont je vous mettrai les liens en référence. Est-ce qu’il existe une seule raison qui puisse, peut-être pas justifier, mais expliquer cette incivilité. Oui, peut-être que c’était un parent stressé qui amené son enfant gravement blessé à l’hôpital. C’est un exemple extrême, mais c’est possible et là votre contrariété disparaît, car vous compatissez. Et des raisons, on peut en trouver des centaines, moi-même en 15 ans de permis, je n’ai jamais eu d’accident, mais il m’est forcément arrivé de couper la route à quelqu’un. Pas parce que je lui manquais de respect, mais probablement parce que j’avais la tête ailleurs et que je ne l’avais pas vu. Ça ne justifie pas mon comportement, mais vous pouvez le comprendre parce que c’est humain.

Tout ça pour dire que parmi toutes les interprétations possibles de ce comportement, nous choisissons la pire hypothèse, celle par exemple, d’un manque de respect. D’ailleurs nous ne l’avons pas choisi délibérément, ça s’est fait de manière automatique, c’est notre programme. Eh bien souvent, si je réagis comme ça, ça signifie que je pense, au fond de moi, ne pas être quelqu’un de respectable. Ce qui va probablement me ramener à un événement antérieur, souvent dans l’enfance, alors que je faisais attention aux autres, on n’a pas fait attention à moi et j’ai ressenti que je n’étais pas digne de respect.

Donc si je me replace dans cette même situation, en ayant conscience de mon programme et sans croyances négatives à propos de moi, je ne vais pas me contrarier. C’est d’autant plus vrai, que cette personne ne me connaît pas, donc comment pourrait-elle ne pas respecter qui je suis vraiment ?

Si cette personne n’est pas à l’origine de ma contrariété, alors je n’ai pas à déployer mon énergie physique et émotionnelle, à la blâmer et la combattre. Et là d’un coup, ce truc devient de moins en moins important, car tant que j’ai un ennemi qui me contrarie, je demande que ça change et je refuse d’abandonner ma contrariété. Le problème c’est que cette personne est partie sans s’excuser, sans changer, donc je garde ma contrariété pendant un certain temps. Et vous imaginez bien la charge mentale et émotionnelle que nous pouvons accumuler comme ça au fil de la journée.

Je fais une parenthèse sur cette notion de pardon, qui peut être définit comme « la prise de conscience, au-delà de nos pensées, de l’insignifiance de tout ce qui semble nous causer de la douleur ». Donc je n’ai pas à attendre que cet automobiliste s’excuse ou que je le pardonne, mais inconsciemment, je vais me pardonner à moi-même, d’avoir cru que son comportement avait la moindre signification pour moi.

D’après Anthony, sortir de ces comportements est un signe de maturité, qu’il définit comme l’état où : « tu ne blâmes plus personne, ni les autres, ni toi-même. Tu vois ce qu’il ne va pas et tu essayes d’y remédier ». Car quand on est enfant, si on se cogne le pied dans la table, nos parents vont dire « méchante table » ! Et on se sent mieux, car on a trouvé un responsable à notre douleur. Mais la douleur, elle n’est pas dans la table, elle est en nous. Ce n’est pas en la blâmant qu’elle va disparaitre, mais c’est en comprenant son programme et celui des autres.

Par exemple, si vous avez un.e collègue de boulot qui a un comportement objectivement pas correct et que vous subissez tous les jours, vous ne voyez peut-être pas comment faire pour éviter d’être contrarié. La première chose c’est de comprendre qu’à sa place, vous ne feriez pas mieux. C’est difficile à imaginer, mais si vous étiez née à sa place, avec les mêmes parents, les mêmes gênes, vous n’auriez pas fait mieux, vous seriez simplement la même personne. Donc à partir de là, vous n’avez aucun mérite à avoir et aucuns jugements à donner. L’amour ce n’est pas blâmer, juger ou condamner, l’amour c’est comprendre. Et je le répète, ça ne veut pas dire non plus qu’on valide son comportement. Dès qu’on commence à voir que celui-ci est guidé par son programme, on change, on ne voit plus quelqu’un de méchant ou de con, mais quelqu’un d’apeuré qui souffre. Mais attention de ne pas être condescendant non plus, de rester à l’écoute et de garder l’esprit ouvert, car c’est peut-être vous qui êtes en tort.

Donc on peut avoir de l’empathie et comprendre quelqu’un que l’on trouve malgré tout insupportable. Par exemple, si un ours nous attaque, on sait que c’est dans sa nature, son programme et on ne va pas lui en vouloir pour ça.

Vous imaginez alors le programme de cette personne qui le pousse à ce comportement et vous observez votre réaction guidée par votre propre programme. Vous savez que vous n’avez pas besoin d’être contrarié pour agir et que vous avez d’autres possibilités que celle d’avoir une réaction similaire et alimenter ce cercle vicieux. Vous pourriez penser que ça serait un signe de faiblesse, que vous laisseriez les autres vous marcher dessus et que vous seriez une « bonne poire ». Mais finalement, plus votre compréhension de ses situations va s’affiner, moins ces réactions vont vous atteindre et plus vous serez en mesure de choisir les meilleurs comportements accessibles à votre niveau de conscience. La seule chose que ça va vous coûter, c’est de ne pas réagir par ego, orgueil ou fierté et ça c’est une preuve de maturité et de sagesse.

Et si vous vous demandez comment réparer ou modifier votre programme, pour ne plus être contrarié, en colère ou blesser par exemple, la bonne nouvelle, c’est que vous n’avez rien à faire. Le simple fait d’identifier et de comprendre tout ce que je viens de dire, de l’observer au quotidien, va atténuer puis faire disparaître ces problèmes. Principalement parce que vous ne vous épuiserez plus physiquement et émotionnellement, à blâmer et combattre les personnes et l’environnement extérieur. Vous comprenez comment tout ça fonctionne et ces réactions disparaîtront. La difficulté sera de ne pas se laisser emporter par ses émotions, mais les observer, les comprendre et les laisser passer.

REDECOUVRIR LA VIE

Anthony a appelé sa conférence « redécouverte de la vie ». Qu’est-ce qu’il entend par là ? Eh bien qu’en essayant d’appliquer tout ce qu’on vient de voir juste le temps d’une journée, on peut changer complétement la manière dont on va la vivre. Il nous invite à être « au-dessus de tout » spirituellement parlant, c’est-à-dire « de ne plus être à la merci de n’importe quel événement, personne ou quoi que ce soit ».

La société nous programme à être malheureux et nous cherchons à changer nous-même, les autres ou obtenir quelque chose, mais ça ne fait qu’empirer notre condition. Alors que la seule chose que nous avons à faire, c’est lâcher prise, abandonner nos croyances et nos attachements.

D’ailleurs, Anthony nous illustre ça avec cette histoire Indienne, à propos d’un homme qui fait un rêve où il croise un sage, et celui-ci lui donne une pierre précieuse qui le rend l’homme le plus riche du monde. Le lendemain, guidé par son rêve, il rencontre ce sage sous un arbre et lui demande s’il a quelque chose pour lui. Le vieillard fouille dans sa sacoche et lui tend le plus gros diamant du monde. L’autre lui demande s’il peut l’avoir et le sage lui dit qu’il l’a trouvé dans la forêt et lui donne avec plaisir. Il prend le diamant dans ses mains et il est fou de joie ! Mais il reste étonné de ce qui vient de se passer, donc au lieu de rentrer chez lui, il va s’assoir également sous un arbre pour méditer toute la journée. Enfin, il retourne voir le sage et lui demande cette faveur : « peux-tu m’enseigner la richesse qui te permet de me donner ce diamant si facilement » ?

Le sage ramasse ce diamant parce qu’il le trouve joli mais il n’y est pas attaché, probablement car avoir beaucoup d’argent n’est pas un objectif pour lui. Bien souvent la joie d’obtenir ce que l’on veut est éphémère, mais la souffrance qui nous amène à cette réussite est longue. Le meilleur exemple est l’athlète qui participe aux jeux olympiques. Soit vous pratiquez un sport pour gagner une médaille, vous aurez une chance très faible d’en avoir une et la joie de la victoire ne va durer qu’un temps. Le plaisir d’obtenir ce que nous voulons, n’est qu’un sentiment très éphémère. Soit vous pratiquez un sport pour le plaisir, l’amour de faire ce sport et se dépasser. La médaille n’est qu’une conséquence à laquelle vous n’attachez pas d’importance. Cet athlète ne doit pas non plus s’identifier à son sport et à l’image que ça lui donne, car s’il se blesse, il risque de vivre une véritable crise d’identité. Qui nous sommes, va bien au-delà de nos attachements.

Je vous traduis un passage de sa vidéo où il s’adresse directement à vous : la première question à se poser c’est : est-ce que vous êtes contrarié ? Oui ? Est-ce que vous voulez changer ? Non ? Vous pensez peut-être que ce sont les autres le problème ? Mais nous ne sommes pas là pour changer les autres, mais pour les aimer. Pour aimer il faut voir, ce qui est impossible quand on est contrarié, ou aveuglé par des fortes émotions positives ou négatives. Ils disent que l’amour est aveugle, mais c’est faux ! Rien n’est aussi clair que l’amour, l’attachement est aveugle, car basé sur de fausses croyances. Je t’aime veut dire, je te veux pour moi, je suis possessif de toi, je ne serai pas heureux sans toi et je dépends émotionnellement de toi. C’est une drogue, une maladie, alors que notre culture nous la présente comme la vertu suprême. Mais ce sont des conneries. Qui ose dire ça ? Tu es aveugle et fou quand tu es amoureux. Tu ne vois pas l’autre personne, tu projettes une image pleine d’espoir de l’autre personne et c’est ce que tu aimes. Quand on n’attend rien de l’autre, on ne dit pas qu’on est amoureux.

CAS EXTREMES

Jusqu’ici, tout ce dont je parle sont des choses sur lesquelles je suis très ouvert ou que j’ai déjà intégré dans mon fonctionnement au fur et à mesure de mes expériences. Mais il reste des choses qui me laisse encore un peu perplexe et sur lesquelles je médite.

Notamment sur des sujets sensibles comme la mort, la violence ou la misère. D’après son raisonnement, la contrariété que nous ressentons quand nous perdons quelqu’un (colère, tristesse, culpabilité), n’est pas nécessaire et lié à un attachement, ce qui peut sembler blasphématoire. Et comme vous, je ne suis pas là pour le croire sur parole, mais pour écouter cette possibilité. Car si ça me paraît impossible, c’est que j’ai été programmé de cette façon et je peux passer à côté d’une vérité à cause de croyances limitantes. Donc ça ne me coûte rien d’écouter son raisonnement qui est le suivant : je ne serais pas en deuil si je n’étais pas attaché, si ce n’était pas pour MA perte. Si d’une certaine manière, je n’avais pas fait de cette personne MON bonheur. Mais si je l’apprécie et que je l’aime, dans le sens où je suis sensible à elle, je tiens à elle, je veux son bonheur, mais je la laisse libre et elle n’est pas mon bonheur ; alors je ne lui ai pas donné le pouvoir de décider, si je serai heureux ou non, et je ne serais pas en deuil de son absence, de son rejet ou de sa mort.

Concernant les violences physiques et morales, il serait également possible, mais loin d’être facile, de les vivres avec une certaine sérénité également. D’agir pour les arrêter, sans forcément être contrarié. Bien sûr avant de pouvoir imaginer arriver à ce stade, il faut d’abord réussir à dépasser les petites contrariétés du quotidien. Comme le dit un proverbe chinois : « un voyage de mille kilomètres commence par un seul pas ». L’important c’est de savoir que ce n’est pas impossible, c’est la seule façon de pouvoir prendre cette direction.


Publié par Romain

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par Anders Noren.

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